Concert champêtre
Le vent chaud des moissons va et vient ; il fait danser nattes blondes et robes fleuries.
Un duo de criquets aux ailes bleues s’envole vers le songe d’une nuit d’été quand arrivent Ariana et Flora.
Hanches déliées d’où glisse doucement sa doublure de percaline, Ariana fredonne un madrigal de Monteverdi.
Nimbée de clarté safranée, elle a noué sa chevelure avec un ruban arc-en-ciel.
Dans ses plis de Diane antique, Ariana écoute l’eau cristalline emplir la carafe.
A quoi pense t-elle ?
Si j’étais le torrent
Je me jetterais en vous
Si j’étais la vigne
Je vous enivrerais toute la nuit.
Muse parée de lumière, Flora aux yeux verts tient une flûte dans ses mains d’albâtre.
Nymphe au sourire carmin, sa peau exhale la lagune, talisman de baume qui fait perdre la raison à ceux qu’elle effleure.
Elle écoute deux amis musiciens rêvant de lui dévorer le cœur.
L’un d’eux se fera t-il Casanova, cet élégant pétri d’un irrésistible vertige dionysiaque ?
C’est alors que l’ardent mystique au chapeau rouge lui offre trois notes sur son luth et déclame :
Muse,
Pour toi je tresserai guirlandes et rinceaux
Et, sur une ariette bleutée
Tu te mettras à danser.
En écho, son compagnon à la beauté byronesque lui montre la graphie souple et incandescente de sa dernière églogue :
Ô fille de l’aurore
Féline telle la vague à l’arche du Rialto
Louve au regard de soie d’iris
Tu ondoies, amante de chair et de désir.
Ce concert champêtre est venu réinventer le jardin de l’Origine où fleurissent les sonnets à Orphée.
Les anges musiciens ouvrent le rideau rouge vénitien quand, sur la margelle de la fontaine, le trille d’un rossignol réveille l’Ariana de Claudio Monteverdi.
Roland Souchon
été 2023
SOURCES :
Visuel : de Tiziano Vecellio dit le Titien (1490-1576) : Le concert champêtre, huile sur toile, 1 x 1,40m – début 16ème siècle.
Le concert champêtre est une œuvre clé de la jeunesse du Titien.
Son sujet n’ayant pu être clairement déterminé, il reste sans doute l’un des tableaux les plus mystérieux du Louvre.
