La demeure du vent

C'était un jour de grand vent, celui qui chante, accompagné de la valse des couleurs automnales.

L'ombre encore tiède de l'été me souriait.

S'avançaient toutes les nuances d'ocre, de carmin et de mauve où  naissaient les brumes oniriques d'un songe bleu.

En cette métamorphose éclose, je caressais les reflets soyeux de l'automne.

De l'ubac à l'adret dansaient le bleu turquin, le parme, le jaune et le fauve, maître des nuées végétales.

Près de la blanche écorce des bouleaux, la chevelure violine des bruyères frissonnait sous l'aile du vent.

Seule, l'ombrelle nacrée d'une ombellifère résistait au souffle d'Eole.

L'heure était pleine du vol bleu des palombes parties s'abreuver aux étoiles.

La migration automnale des papillons monarques, éblouissantes créatures orange et noir, avait commencé.

Le ruisseau continuait sa mélodie cristalline ; j'y voyais une fraîche présence où s'épanouissait le sourire d'une muse.

Sur le chemin qui n'en finissait pas de monter, les roches vibrantes du granite me révélaient la puissance du mystère.

Mes pensées s'empourpraient sur les volutes du vent, ranimaient la sève de l'âme nourrie de frôlements d'ailes.

Les heures s'égrénaient avec insouciance dans la bonté de ce matin d'automne.

A la faveur d'une éclaircie, derrière l'écharpe de brume, se dévoilait le village aux tuiles rouges.

Je levais les yeux vers un bel enrochement qui partait à l'assaut du ciel, embarcadère pour la danse des nuages, un saut vers une lumineuse couleur ardoise festonnée de nacre.

Du vallon à la cime des hautes futaies, le vent déclamait sa poésie sur la lyre d'Orphée : 

La roche vêtue d'un velours de mousse

      Devient refuge pour l'orpin et la joubarbe

Quelle joie de contempler cette toison mordorée

      Toute vibrante et odorante sous la caresse du vent

N'est-ce pas cela le souffle de la vie ?

Ecoutons la voix du vent

     Descendre à l'heure bleue

           Rejoindre bruissements d'eau et derniers chants d'oiseaux

                   Sur une palette indigo

                                         Le vent, le vent, le vent

                                                                              R S, automne 2025