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Le mystère d'un fauve


La Sirène espagnole, 1911, huile sur toile, collection particulière

   Ce grand nu était considéré par van Dongen comme le meilleur tableau qu’il eut jamais peint.



Barbe en broussaille, blouse et béret, installé à son chevalet, le Maître est prêt pour l’enivrante moisson des couleurs.

Perspective, lumière, couleur, mouvement, proportion, composition, le peintre sait tout cela en se méfiant de la perfection technique qui gomme toute sensibilité.

Son atelier vit du parfum de l’huile de lin, de l’éclat des couleurs sur sa palette.

Ses brosses dansent sur la toile rugueuse apprêtée de pigment ocre-jaune.

                   Voici Kees van Dongen, le peintre des années folles

Au Salon d’automne, en 1905, le critique d’art Louis Vauxelles parle de fauves, donnant ainsi le nom au groupe qui entrera dans l’histoire de l’art.

Le fauvisme est né avec, notamment, les peintres Derain, Vlaminck, Manguin, Matisse et van Dongen, hollandais rebelle, dernière recrue du mouvement.

Chose surprenante : Trois ans après son apparition, le fauvisme cesse d’exister ; seuls Matisse et van Dongen continuent d’avancer sur la voie tracée.

Kees van Dongen est un coloriste-né.

Avec audace et sensibilité, sa palette colorée triomphe : vermillon, pourpre, vert intense, lilas, outremer profond pour aviver les tons de chair, ocre jaune, orangé surchauffé, gammes subtiles de blancs, gris perle et noirs lumineux.

Kees van Dongen est un fauve indépendant, mais un fauve d’avant-garde.

Sa volonté de simplifier la forme en donnant une fonction créatrice à la couleur, bien avant la naissance du mot de Vauxelles, lui assure une place importante dans le fauvisme.

Kees van Dongen est le fauve de la femme ou plutôt du nu féminin en mettant l’accent sur la sensualité et la volupté.

Il fera dire à Elie Faure, en 1911, qu’il serait digne d’écrire le poème le plus sensuel du monde.

Kees van Dongen est un robuste, une saine vitalité, une soif de plénitude, un constant élan qui le portent vers ce qu’il dénomme la vie chaude et ardente.

A la couleur pure, il unit des délicatesses, des raffinements qui enchantent les plus difficiles.

C’est par son talent notoire de coloriste qu’il a pu affermir, d’année en année, son succès, gagner la confiance d’une clientèle de plus en plus ample et choisie.

            Eprise d’arabesques expressives, le portrait de la Sirène espagnole* prend forme.

Une sensualité arrive à l’éclat de la prunelle, au nacré de la chair.

Un faisceau d’ondes bruisse à la source éclose.

Elle se dévoile, affriolante, allégée par la joie.

Le modèle devient une muse inspirante pour un rhapsode cueilleur d’étoiles.

Le vent chaud traverse la terrasse et se vêt du parfum d’un bougainvillier.

                  Chante, Ô Muse !

Sa voix gutturale semble venir des rivages empourprés de l’Orient : Flambée d’enthousiasme, envie de caresser, de mordre avec douceur.

Pleines de sève, ses aréoles brunes se multiplient en vrilles de joie jusqu’à l’échancrure de la hanche.

Charnelle devient la rime qui s’émerveille dans l’onctueuse faille.

Le sourire carmin, elle réapparaît nymphe, devenue douce telle une pluie de septembre sur la vigne.

Dans le feu des couleurs pures, une passion incandescente s’agenouille avec une infinie délicatesse.

Kees van Dongen vient de capter la lumière intérieure de ce grand nu peint par une blanche après-midi à Séville.

Kees van Dongen naît le 26 janvier 1877 à Delfshaven, faubourg de Rotterdam

1892  cours du soir à l’Académie royale des beaux-arts de Rotterdam

1897  premier départ pour Paris

1901 -1903   illustration de revues (L’Assiette au Beurre, Frou-Frou, la Revue Blanche)

1904  entrée dans la vie artistique parisienne

1906  Salon des indépendants, Salon d’automne

Il s’installe au Bateau-Lavoir à Montmartre où il fréquente les fauves Derain, Matisse, Vlaminck et se lie avec Picasso et Max Jacob

1912  professeur à l’académie Vitti de Montparnasse

1926  il reçoit la légion d’honneur

1929  il obtient la nationalité française. Organise des réceptions mondaines. Deux de ses œuvres entrent au musée du Luxembourg

1930 -1965  il voyage, fait de nombreuses expositions en France et à l’étranger

1967 rétrospective au musée national d’Art Moderne à Paris, transportée au musée Boymans-van Beuningen à Rotterdam

                Le 28 mai 1968, il donne son dernier baiser à son domicile à Monaco...

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