top of page

Les coques de Suscinio

Bacchus arrive sur la presqu'île de Rhuys, sous le ciel changeant du Morbihan.

A l'approche de la croix de Suscinio, il entend le cri du chat-huant.

Point de hulotte à cette heure, mais une parfaite imitation lancée par le père Glaz, vénérable descendant des Chouans.

Heureuse rencontre pour une pérégrination presqu'îlienne.

Le vocable Rhuis ou Rhuys aurait pour origine "ro-wis", les "déchirures de la mer", terme approprié pour désigner cette côte du golfe du Morbihan aux innombrables échancrures.

Une sterne oriente leurs pas vers une imposante forteresse : le château de Suscinio, situé au cœur d'étangs et marais.

Edifié au treizième siècle, il a été résidence favorite des ducs de Bretagne.

L'anse de Suscinio avec sa plage et son cordon dunaire est à un vol d'aigrette garzette.

Le père Glaz raconte que l'action de l'océan Atlantique était utilisée pour, à marée haute, et à l'aide d'un conduit, emplir les douves du château.

Plus intéressant encore, la presqu'île de Rhuys possédait un vignoble qui produisait "la fine de Rhuys", un vin verjus qui donnait du cœur à l'ouvrage. Quelques ceps de vigne demeurent aujourd'hui à Kistinid, à deux pas du château.

Bacchus adresse un dernier regard à la fenêtre en ogive de la chapelle ducale. Mais où est donc la duchesse ?

Un manant leur indique l'avoir aperçue sur le chemin des Amourettes. Elle se prénomme Alix.

A la vie morne du château, elle préfère courir la dune pour y retrouver le chardon bleu, symbole du conservatoire du littoral.

Alix vient de reconnaître le gravelot à collier, cet oiseau qui niche sur le haut de la dune ; la femelle y pond ses œufs couleur sable moucheté de brun.

Surprise par l'attrait de Bacchus et du père Glaz pour la faune et la flore, elle leur propose une cueillette de plantes comestibles.

Avec son panier d'osier, elle est gracile comme l'échasse blanche pour récolter la cryste marine, le pourpier des mers et le fenouil sauvage.

L'envol d'un canard souchet signe la fin de la cueillette et de la douce compagnie d'Alix.

L'inclinaison du soleil annonce l'heure de midi.

Le père Glaz emmène Bacchus à l'auberge de Kermoisan.

Ils sont accueillis par Anaïg, pavoisée de dentelles, grasse comme un chapon, mais avec un doigté incomparable pour préparer les coques péchées ce matin à l'anse de Suscinio par Silène, pêcheur à pied. Pantalon bleu et vareuse, il est au bar le bougre, le cœur en liesse avec son verre de blanc d'Ogier.

Bacchus a de suite repéré ce connaisseur de vin blanc du Rhône dont les trois cépages, viognier, marsanne et roussanne, font merveille sur sa robe jaune or avec reflets. Ce vin offre une sensation minérale avec de la longueur en finale.

A l'heure du jusant, aidé de sa griffe de jardinier, Silène ramasse palourde, praire, amande de mer, couteau et coque. Ce dernier coquillage est revenu cette année à Suscinio après cinq années d'absence ; le chant séducteur d'une sirène a dû opérer.

La coque est un bivalve à deux syphons. Elle crée ainsi un courant d'eau pour se nourrir. Intéressant va-et-vient d'un coquillage qui va bientôt réjouir les palais.

Anaïg a préparé les coques sautées à la poêle avec beurre et biscotte émiettée sur un lit de cryste marine et de pourpier des mers.

A table les amis.

Bacchus tire de sa besace l'ambroisie :

un MUSCADET AOC, Côtes-de-Grandlieu, Domaine Galudec, 2002

Dans l'appellation Muscadet, l'unique cépage melon de Bourgogne trouve sa meilleure expression.

Aux portes de Nantes, proche de l'océan Atlantique, ce vaste vignoble de quatre mille hectares habite les schistes, les gabbros et, dans une proportion plus discrète, le granite. Les meilleurs muscadets sont issus de longs élevages en cuve.

La phase olfactive s'exprime autour de senteurs florales d'herbe fraîchement coupée.

En bouche, sa vivacité stimule les papilles et prépare l'arrivée des coques.

Son potentiel de garde est de 3 à 20 ans.

A servir entre 8 et 10° C.

Bacchus invite Silène à finir ensemble la bouteille de Muscadet. Cet homme inspire confiance, avec de la bonté dans son regard.

Drisses, aussières et toulines sont pour ses amis de Port-Navalo. Lui, il préfère le chant de la sterne qui exulte d'espoir, toute empanachée d'écume sur la plage de Suscinio.

Guidés par Silène, le père Glaz et Bacchus font maintenant chemin vers la pointe de Penvins.

L'étier chante une douce symphonie véronèse, céruléum et argent bleuté au berceau du vent.

Trois cerfs-volants s'accaparent le ciel avec leurs chorégraphies multicolores.

Près de la chapelle de Penvins, une voix d'enfant prolonge l'harmonie du crépuscule.

C'est l'heure d'écouter ces vers où danse la nacre du cordon littoral :

" Mer, parle-moi des galets que tu roules...

N'es-tu jamais lasse ?

Des rochers dont tu fais du sable,

De tes rides, de tes bulles, de tes écumes, de ton odeur ;

Des pins que ta rosée fait jaillir de tes îles

Et que tes vents tourmentent ;

De tes aubes de lait ;

Des poissons, des coquilles, des algues, des méduses

Qui naissent, se fécondent, se balancent en toi,

Et de tous ceux qui meurent...

N'es-tu jamais lasse ?

Parle-moi de la voûte du ciel qui t'attire,

Des étoiles qui voudraient se mirer dans tes eaux

Et dont tes vagues brisent, sans cesse, les images ;

Du soleil qui te fuit à l'aurore, qui t'aspire, t'entraîne,

Que, le soir, tu voudrais retenir dans ta couche,

Qui t'échappe toujours...

Parle-moi des galets.

N'es-tu jamais lasse ?

Berceuse

André Spire

Goûte, Goûte, Goûte

Goûte compagnon

Lève ton verre et nous le remplirons

A bientôt compagnons du bousset.

Invité par le Grand Maître de la Confrérie des Compagnons du Bousset d'Auvergne, Bacchus part faire un long voyage à la rencontre des vignes d'Amérique du Sud. Il reviendra pour chanter Noël.

Les Mégalites,

4000-3000 avant J.-C.

Carnac (Morbihan)

Nous aurions pu s'émerveiller devant cet éclat de rire, cette juvénile fraîcheur de la Marchande de crevettes, peinte en quelques heures par William Hogarth, ce moraliste savoureux. Dans la brume éternelle de Londres, il a su y déceler de subtils coloris.

Mais, j'ai préféré la rencontre avec ces géants de pierre formant soit des allées couvertes, soit des alignements de menhirs s'étendant sur trois kilomètres à Carnac, soit des tumulus (dolmens) à Gravinis. Les dalles sculptées du cairn de Gravinis s'affirment comme des chefs-d’œuvre de l'art du néolithique.

L'art mégalithique s'est répandu de l'Extrême-Orient aux rivages de l'Atlantique.

Sanctuaires funéraires, culte de fécondité, observatoire astronomique avec la disposition des cromlechs : le mystère est grand.

Ces bataillons de pierre n'ont toujours pas livré leur secret.

Il y a bien, à l'intérieur du tumulus de Gravinis, des arabesques et des ondulations. Seule demeure l'imagination pour ces signes de conjuration ou de magie.

Quelle est la force spirituelle qui a dressé ces tables de pierre ou érigé ces emblèmes virils dressés sur un ciel d'encre ?

Parlez armée du silence ! Car, avec vous, finit la préhistoire dans notre monde occidental.

Alors que les fleurs de pierre restent muettes sur la lande bretonne, une silhouette de mammouth arrive dans les gorges de la Vézère.

L'Art est en marche.

A l'affiche
Chroniques récentes
Archive
bottom of page