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Les huîtres de Bouzigues

Bacchus arrive sous le soleil de Marseillan en terre languedocienne.

L'azur est immense sur l'étang de Thau.

Les couleurs occitanes flottent sur le quai où les pénichettes du canal du Midi s'amarrent le temps d'une nuitée.

Il sonne onze heures sur les tuiles rouges.

Suzy, vigneronne-oenologue attend Bacchus près du chai de Noilly-Prat.

Naïade sortie de l'étang, elle apparaît, une fleur d'églantier agrafée au cuir rouge de son corsage. La tramontane balance sa longue tresse fleurie des vingt-six lettres de l'alphabet.

Salués par un envol de mouettes, ils entrent au chai.

Avec la fraîcheur de ses mains de nacre, Suzy offre à Bacchus un verre de Noilly-Prat. Cet apéritif est un bouquet d'étoiles parfumées, le soleil de Marseillan.

Joseph Noilly et Claudius Prat ont inventé en 1813 la fameuse recette, fruit d'une vingtaine de plantes aromatiques et d'épices dans des vins blancs de blancs. Le temps de la macération s'accomplit pendant trois semaines dans des foudres de chêne sous le feu de l'ardent soleil du midi puis d'un vieillissement une année durant.

Cet apéritif, âge d'or viticole des vermouthiers, allume le regard et dessine le bonheur d'être là.

Dans cet éclat du jour, Suzy devient muse et propose à Bacchus une foisonnante moisson de découvertes, du chemin des vignes à l'étang de Thau.

Tandis que les mouettes sculptent dans le ciel les diphtongues de leurs violons angoissés, ils prennent la route du vignoble.

A travers vignes, pinède et garrigue, Suzy entraîne Bacchus sur l'antique voie domitienne pour arriver au château de la Faunesse, le folie de Suzy, une demeure renaissance assise au coeur du vignoble de Picpoul de Pinet.

Suzy est le fer de lance de la lutte biologique dans les vignes.

Elle mène au quotidien une méthode alternative par confusion sexuelle : la pose de capsules de phéromones. Cette démarche pilote autour du Bassin de Thau est née d'une volonté commune des vignerons de l'AOC Picpoul-de-Pinet. La confusion sexuelle est une véritable alternative à l'utilisation d'insecticides ; elle pertube l'activité sexuelle des papillons en limitant les accouplements et, de ce fait, le nombre d'oeufs et de larves. Pour y arriver, le vigneron installe, en début de saison, au démarrage des vols de papillons, et sur un court laps de temps, ses capsules-diffuseurs.

L'objectif est de produire des crus de qualité irréprochable tout en prenant en compte l'économie, l'environnement et la santé.

Avec une ample provision de flacons renommés, Suzy et Bacchus quittent le domaine de la Faunesse pour se rendre à Bouzigues où les attend Samuel, conchyliculteur.

Coiffé de son chapeau indigo aux trois coquilles, Samuel leur propose une traversée des parcs à huîtres sur sa nacelle, embarcation typique du Bassin.

Fin dix-neuvième siècle, l'épuisement des ressources naturelles nécessite la mise au point de techniques d'élevage d'huîtres (ostréiculture) et moules (mytiliculture). Les eaux peu profondes et chaudes du Bassin de Thau ont grandement favorisé l'essor de la conchyliculture.

Par ailleurs, le faible mouvement des eaux constitue un milieu propice au développement du phytoplancton dont se nourrissent les coquillages.

La faible amplitude des marées demande une culture spécifique, différente des cultures bretonnes, avec des tables d'élevage en suspension sur cordes.

Une aigrette garzette harponne inlassablement ses petites proies. L'huîtrier-pie et le goéland leucophée aux pattes jaunes rivalisent d'adresse au-dessus des parcs à huîtres.

L'heure est venue de rentrer au port de Bouzigues.

Samuel a choisi ce moment où le soleil décline pour évoquer l'hippocampe, étrange poisson au port vertical.

Pendant des siècles, les hippocampes ont excité l'imagination. Puis ils sont devenus populaires sur les boucles d'oreille et les broches.

Protégés par la Convention de Washington relative au commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, la pêche de l'hippocampe est aujourd'hui interdite sur l'étang de Thau. Sa présence demeure sur la zone très riche avec la culture des moules et des huîtres. L'hippocampe s'enroule autour des cordes utilisées pour les tables d'élevage grâce à sa queue préhensile très robuste. Outre leur aspect unique, ces poissons partagent un comportement intéressant : leur stratégie reproductive. La femelle dépose délicatement ses oeufs dans la poche incubatrice du mâle. C'est donc le mâle qui a la charge d'incuber les oeufs.

Samuel propose une dégustation d'huîtres dans sa cabane ostréicole. L'air y est tiède comme les plumes de la tourterelle.

Avec grande dextérité, Samuel ouvre l'animal marin à coquille bivalve.

Avec l'huître, le naissain importe peu. Ce sont les conditions d'élevage et d'affinage, typiques de chaque région, qui comptent.

Après le Japon et la Corée, la France est le troisième producteur mondial d'huîtres.

Il existe six grands crus : la normande ou "Saint-Vaast-la-Hougue", la belon, la cancale, la marennes-oléron, l'arcachon et la bouzigues.

C'est Gatien Lafitte, enfant de Bouzigues, qui a introduit le premier la culture de l'huître dans l'étang de Thau, en 1907.

L'huître de Bouzigues est la plus méridionale, très recherchée, corsée, au goût particulièrement iodé.

Bacchus ferme les yeux.

L'huître est son régal. Il l'associe à une nymphe, une sirène qui enchante son palais.

Ce plaisir serait vain sans l'ambroisie, qui se décline aujourd'hui en une dégustation de vins de Languedoc dont la première place revient au Picpoul de Pinet, mariage réussi avec l'huître.

Le Picpoul de Pinet provient d'une terrasse argilo-calcaire proche du Bassin de Thau.

Cépages : Picquepoul blanc, typique cépage languedocien, additionné de Terret blanc à hauteur de 25% et de Clairette blanche pour 5 %.

Robe : couleur or/vert

Cuvée : La Faunesse-AOC Languedoc, 2012

C'est un vin blanc sec, fruité et nerveux.

Sa température de dégustation est 8/10° C.

Tandis que les trois amis chantent leur soif de vivre et d'aimer, arrivent, en habit de lumière :

- une bouteille de Pézenas - Prieuré Saint-Jean-de-Bébian, un blanc de légende

et une surprise, la cuvée "Folie d'Inès"

avec son cépage Cinsault sur un terroir à dominante argilo-calcaire bercé par la lagune de Thau.

La vigneronne vendange de nuit pour préserver les arômes. Voici un vin rosé floral, tout en finesse, qui se laisse embrasser les nuits de pleine lune.

Le soir descend.

Sur le Mont Saint-Clair s'allument les premières lumières.

Une cigale réveille la voix de Delteil.

La houle se lève sur l'étang de Thau.

La guitare de Georges est devenue lyre.

Main dans la main, Samuel, Suzy et Bacchus entonnent en choeur :

(...)

Mais oui, Viens !

Sautons au cou

De l'hirondelle

Et laissons-nous

A tire-d'aile

Conduire loin de la pudeur.

Mais oui, Viens !

Pour nous s'éveillent, (...)

Ô bonn' fortune,

En plein soleil

Des clairs de lune,

En pleine nuit, des soleils nus.

VIENS !

(il n'y a d'honnête que le bonheur)

de Georges Brassens

et la muse se mit à danser au rayon de la lune.

Goûte, Goûte, Goûte

Goûte compagnon

Lève ton verre et nous le remplirons.

A bientôt compagnons du bousset, je vous retrouverai dans les couleurs de Malte en compagnie de Corto Maltese.

LA FAUNESSE (1905)

de Henri MANGUIN (1874-1949)

Huile sur toile, 92 X 73 cm

Collection particulière

Voici une faunesse épanouie dans une cascade de lumières qui fait danser sur son corps de lumineux roses, mauves, ocres, jaunes, verts et violines.

Tout est baigné de soleil.

Une végétation méditerranéenne parfumée, parsemée de diaprures jaunes, rouges, orangées, vertes, violettes sert d'écrin et cotoie la mer toute proche.

Manguin est un coloriste né. Il reste toujours proche de la nature qu'il comprend et exprime comme une part de son moi, l'appréhendant avec une sensualité enjouée.

Manguin exposait au Salon d'Automne,en 1905, autour, notamment, de Derain, Vlaminck et Van Dongen.

Leurs toiles aux couleurs pures interpellèrent le critique d'art Louis Vauxcelles qui les regarda avec intérêt et inventa le mot "Fauves".

Manguin avait une sensibilité toujours à fleur de peau. Il colérait ou riait. Il était tout en extrêmes mais c'était un "fauve généreux".

Manguin demeure le chantre du bonheur. Sa peinture exalte, réchauffe et réjouit.

Pierre Bonnard, son ami, a dit : " Le paysage chez Manguin est un charme, une méthode, un chant d'amour."

Nous pouvons ajouter : ses modèles aussi !

Le génial pinceau de Manguin va s'arrêter sur une nature morte, laissée inachevée dans son atelier de l'Oustalet, en septembre 1949.

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