à pas de loup
A pas de loup, le jour finissait.
Je m’amusais à me représenter les sons* et les couleurs*.
Vers les hautes futaies chantait l’ocre-jaune du dernier soleil telle la mélodie d’un saxophone dans un panthéon aztèque.
Sur le chemin des grives, le frisson d’une ombre s’habillait de bleu turquin rappelant flûtes et clarinettes.
Sous le toit, l’aile du jour disparaissait sur la clef d’un hautbois.
Derrière l’alisier s’en allait le couchant rouge-orangé analogue aux sonorités des cors et des trombones.
Sur l’étang fusaient les derniers éclats violets pareils aux violoncelles et basses.
Blanc et noir demeuraient absents à ce rendez-vous. Etaient-ils vraiment des couleurs ?
Répondaient-ils à des sons, à une musicalité ?
La dernière arabesque d’une hirondelle m’apportait la réplique.
Le blanc représentait la lumière, la voix d’une soprano sur la touche blanche d’un piano.
Quant au noir, il symbolisait la corde brisée d’un violon sur un adagio, l’ultime refuge au cœur de l’obscurité, le dernier soupir.
La nuit améthyste accueillait les froissements d’ailes du grand duc.
Tandis que la lune gibbeuse buvait dans le puits, je m’endormais.
Un papillon habitait mes songes jusqu’au petit matin ; sa joie était inscrite sur ses ailes, des ailes musicales, de toutes les couleurs du ciel et de la terre.
Ce ravissement prolongé prit fin quand j’aperçus un éclat, une lueur pourpre, celle qui précède l’aurore et fait vibrer les cordes tel un élan mystique.
R.S.
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